Des avantages au-delà des coûts

Lea Batara

Les musées et les galeries d’art nous aident à mieux comprendre notre culture, notre histoire et notre communauté. L’accès public à ces établissements est un élément important de la promotion et du maintien des musées.

Être capable d’explorer d’anciens artefacts et des œuvres d’art prestigieuses favorise l’éducation et l’inclusion du public dans la communauté. Les institutions muséales canadiennes offrent au public différents moyens d’accessibilité et favorisent ainsi la création d’un sentiment de communauté au sein de leur ville. Pour ouvrir leurs galeries au public, les musées recourent à diverses mesures, comme l’entrée gratuite, l’entrée moyennant un don discrétionnaire ou les droits d’entrée.

Greg Gallant est le fondateur et directeur du Prince Edward Island Regiment Museum, un musée de la guerre qui n’exige aucun droit d’entrée, mais qui invite les visiteurs à faire des dons. M. Gallant croit que son musée ajoute « une saveur locale à notre histoire. » « Nous sommes peut-être petits, dit-il, mais les musées communautaires sont importants parce qu’ils nous donnent la chance de dire au monde que notre histoire vaut autant que celle des autres. »

Le Prince Edward Island Regiment Museum est un musée de la guerre mettant en vedette une grande collection d’artefacts des années 1970 à aujourd’hui. Comme il appartient aux forces militaires, son financement est couvert, et puisque la visite est autoguidée, il n’y a pas d’autres employée.

Greg Gallant explique qu’en 1990 le musée était situé dans un hall et qu’aujourd’hui il occupe cinq pièces. Il est situé au bord de l’eau et il attire de nombreux croisiéristes, certains d’entre eux sont même des vétérans. « Nous avons beaucoup d’histoire et des vétérans qui méritent d’être reconnus », dit M. Gallant.

Le musée comprend une vaste collection de la culture militaire de l’Î.-P.-É., où le nom des soldats est immortalisé. Même les natifs de l’Î.-P.-É. qui se sont battus lors de la bataille du jour J sont remémorés. M. Gallant dit que les commentaires qu’il reçoit sur le musée sont très positifs et cela aide à éduquer les gens, que ce soit des touristes, des gens locaux, ou des étudiants en sorties éducatives. Il encourage les jeunes à venir faire un tour, car il croit qu’ils sont l’avenir de cet établissement.

La MacKenzie Art Gallery, en Saskatchewan, a quant à elle décidé de changer sa politique d’admission. Comme au Regiment Museum de l’Île-du-Prince-Édouard, la galerie d’art demandait des dons aux visiteurs pour accéder à la collection. À partir du 10 juin, la galerie demandera un droit d’entrée pour les visiteurs de 18 ans et plus. Le coût d’entrée sera de 10 $, et le coût de l’adhésion annuelle sera dorénavant de 30 $ plutôt que de 55 $.

Le coût d’entrée ne s’applique qu’au premier étage de la galerie et l’accès à l’aire commune au rez-de-chaussée demeure gratuit.

Deborah Rush, directrice des communications à la galerie, explique qu’il a fallu réévaluer le modèle de l’institution lors de l’élaboration du plan stratégique 2023. Nous devions introduire des droits d’entrée pour pouvoir ajouter plus d’expositions. Mme Rush explique que le financement de la galerie provient de plusieurs sources, y compris les trois ordres de gouvernement, les dons, et les recettes gagnées tirées des droits d’entrée et des ventes de la boutique de cadeaux.

Selon Mme Rush, la réaction aux nouveaux droits d’entrée est très bonne. « Je crois que les visiteurs reconnaissent que la capacité des organismes à continuer d’offrir une entrée gratuite est plus difficile que jamais. Et nous espérons que la réduction des frais d’adhésion permettera encore d’accéder à notre galerie. »

La MacKenzie Art Gallery est la plus ancienne galerie d’art en Saskatchewan et elle est un endroit où la communauté peut se rassembler. « Nous considérons notre place dans la communauté comme une sorte de conservateur de l’histoire à travers l’art », dit Mme Rush. « Mais aussi comme un endroit où à chaque visite vous apprenez quelque chose et vous faites partie de quelque chose de transformateur. »

La galerie offre une variété de programmes destinés tant aux enfants et aux adolescents qu’aux adultes. La galerie est ouverte à tous et offre l’occasion de créer de l’art, d’entendre des conférenciers et de visiter différentes expositions. La nouvelle grille tarifaire permettra de financer une plus grande variété d’art à la galerie.

Avec 440 membres déjà, la réduction des droits d’adhésion annuels devrait encourager plus de personnes à se joindre à nous et à faire partie de la communauté artistique. « Notre nombre de visiteurs a réellement augmenté cette année, dit Mme Rush. À n’importe quel moment, nous avons plus de 90 000 visiteurs par année. » Selon elle, un des défis auquel la galerie fait font face est ce qu’elle appelle « l’effet Netflix », où les gens ne sortent pas beaucoup. Elle encourage d’ailleurs ces casaniers à venir visiter la galerie locale.

« Nous essayons seulement de trouver un public dans un monde très bruyant dit-elle. Nous essayons de perturber ce bruit en étant un endroit calme et nous espérons que vous trouverez du temps pour l’art dans votre journée. »

Au Burnaby Village Museum, les changements à la grille tarifaire ont été à l’opposé de ceux de la MacKenzie Art Gallery. Bien que le changement ne soit pas aussi récent, le Burnaby Village Museum a décidé d’éliminer complètement les coûts d’entrée.

Jusqu’à 2010, le musée demandait des droits d’entrée aux visiteurs. Cependant, lors de son 40e anniversaire en 2011, cet établissement géré par la municipalité a modifié sa grille tarifaire. Le maire et les conseillers ont décidé à ce moment-là d’offrir l’accès gratuit afin de célébrer l’événement et le musée est demeuré gratuit depuis.

« S’ils ont voulu l’accès gratuit, c’est qu’ils voulaient que plus de gens viennent nous visiter », dit Deborah Tuyttens, directrice du Burnaby Village Museum, en Colombie-Britannique.

Le musée offre un tour dans un carrousel entièrement opérationnel datant de 1912 au coût de 2,65 $. « Depuis que le musée est gratuit, le taux de visites au carrousel a beaucoup augmenté. Nous avons reçu plus de commandites d’entreprises, car nous avons un niveau de fréquentation beaucoup plus élevé », ajoute-t-elle.

Selon Mme Tuyttens, la majorité du budget provient du gouvernement, ainsi que des recettes tirées de diverses activités, comme les locations de films, les programmes scolaires et les fêtes d’entreprises. Elle ajoute que le musée est un endroit très accessible, ce qui aide à réunir la communauté.

En 2010, 37 000 personnes ont franchi les portes du musée. Ce nombre ne correspond pas au nombre total de visites. En 2018, il s’est élevé à 140 000. Selon Tuyttens, pendant la première année où l’entrée a été gratuite, le personnel a été débordé et il a fallu changer les façons d’exploiter musée, à cause de l’augmentation du nombre de visiteurs.

« Lorsqu’on regarde le nombre de personnes », ajoute-t-elle, « cela change vraiment la dynamique de ce que l’on peut offrir. » Mme Tuyttens explique que le budget d’exploitation brut pour le musée s’élève à environ 3,3 millions de dollars, dont environ 500 000 $ à 600 000 $ proviennent des revenus générés par le musée. Selon Mme Tuyttens, le taux de satisfaction provenant des sondages internes demeure élevé, 90 % des visiteurs se déclarant heureux de leur visite. « Ce taux n’a jamais changé, parce que la qualité de notre produit n’a jamais changé », affirme-t-elle.

Le musée accueille une grande diversité de personnes : des enfants et des familles, des touristes, et de nombreux visiteurs réguliers de la communauté. Il travaille aussi avec plusieurs groupes locaux, tels que les communautés asiatiques et autochtones. « Si personne ne devait payer, ce serait super, dit Mme Tuyttens, car il n’y aurait plus cette barrière et d’autres groupes communautaires auraient plus facilement accès à nos installations. »

« C’est très bien d’être gratuit, mais il faut aussi examiner la logistique de cette augmentation de volume, ajoute Mme Tuyttens. Notre budget d’entretien a augmenté énormément parce que les choses se brisent plus rapidement à cause du nombre élevé de visiteurs. » Malheureusement, tous les établissements ne peuvent pas être gratuits comme celui-ci, mais Mme Tuyttens s’estime heureuse que le musée soit financé par la municipalité, donc dans ce sens, il n’a pas trop à se préoccuper du financement.

En Ontario, il y a aussi un changement sur le plan du financement public pour les musées. Au Musée canadien de la nature à Ottawa, le financement public s’élève à environ 72 % du budget d’exploitation, alors qu’il était de près de 90 % en 2013. Le gouvernement encourage aussi une augmentation du financement non gouvernemental.

En 2014, John Swettenham, directeur du marketing et des relations publiques au Musée canadien de la Nature, a augmenté les droits d’entrée de 50 cents. À l’époque, la nouvelle avait fait la une.

Bien que le Musée de la nature demande un droit d’entrée, il offre aussi d’autres manières d’accéder au musée. L’accès est toujours gratuit les jeudis soir, pas seulement dans ce musée, mais dans la plupart des autres musées à Ottawa. Les familles peuvent aussi emprunter un laissez-passer familial de la bibliothèque locale avec leur carte de bibliothèque.

M. Swettenham dit que les musées sont une énorme partie d’Ottawa. La ville est reconnue pour ses musées qui en font une destination touristique populaire. « Nous sommes vraiment une ville de musées », ajoute-t-il, « et cela se reflète dans la communauté locale aussi. Les gens nous adorent. » Tourisme Ottawa décrit les attractions de la ville comme « le Canada en concentré à Ottawa ». Swettenham est d’accord avec cette description décrivant ce qu’ils offrent et la manière dont les musées d’Ottawa racontent l’histoire du pays. « Nous aimons nous positionner comme ceux qui ont la nature du Canada sous un même toit », dit-il.

À Toronto, le Musée des beaux-arts de l’Ontario changera aussi sa grille tarifaire. À partir du 25 mai, l’accès au Musée sera gratuit pour les 25 ans et moins et le coût du laissez-passer annuel sera de 35 $ par année. Selon Stephan Jost, PDG du Musée des beaux-arts de l’Ontario et directeur de la Fondation de Michael et Sonja Koerner, la nouvelle grille tarifaire va ouvrir les portes du Musée plus grandes que jamais. « L’art est essentiel, et nous en facilitons l’accès pour qu’il fasse partie de la vie quotidienne de tout le monde », dit M. Jost.

Les changements à la grille tarifaire varient selon le mode de financement du musée. Ils tentent d’équilibrer les coûts d’exploitation de l’établissement avec l’accessibilité du public. L’objectif de n’importe quel musée est d’éduquer et de partager l’art, la culture, l’histoire et les artefacts qu’il détient. Ces institutions prospèrent en montrant leurs expositions et leurs galeries au public, et à notre tour nous devrions en profiter. M

Lea Batara Lea Batara est une étudiante en journalisme à Carleton University. Elle contribue à Muse dans le cadre du programme de stage de Carleton. 

Ce rapport muséologique a été rendu possible grâce au financement du Gouvernement du Canada. Ce rapport a été également publié dans le magazine Muse, numéro juillet/août 2019.