La conception inclusive  

Madeline Lines

Partout au pays, les musées trouvent des façons nouvelles de veiller à ce que chacun vive une expérience riche et captivante en visitant leurs expositions. Que pouvons-nous apprendre de ceux qui excellent en ce domaine? Les espaces conçus dans une optique d’accessibilité donnent vie au contenu pour les personnes qui ont une incapacité. Nous avons causé avec des représentants de musées canadiens qui montrent l’exemple en accessibilité pour avoir un aperçu de ce qu’ils font déjà et de ce qu’ils prévoient.

Musée canadien pour les droits de la personne, Winnipeg (Manitoba)  

Le Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) à Winnipeg a remporté de nombreux prix, dont un prix Jodi d’accessibilité dans la culture numérique, pour ses innovations soutenues par la technologie. Nous avons demandé à Scott Gillam, le gestionnaire des plateformes numériques du Musée, comment son système fonctionne et ce qui est envisagé à l’horizon.  

Comment le Musée est-il devenu un leader en matière d’accessibilité? 

Quatre ans avant l’ouverture du MCDP, nous avons fait une présentation au Conseil des Canadiens avec déficiences. Nous avons alors constaté que, même si les récits que nous allions présenter les enthousiasmaient, nous n’avions peut-être pas envisagé toutes les façons de raconter ces récits. Il nous est apparu que, en tant que musée pour les droits de la personne, nous avions la responsabilité d’être un leader. Cela nous a donné l’occasion de faire preuve de leadership et d’inclusivité en matière d’accessibilité. 

Pouvez-vous m’expliquer ce que sont le mode « Près de moi » et les points d’accès universels? 

Les points d’accès universels (PAU) sont de petits carrés tactiles dotés de numéros surélevés en braille, qui ressemblent un peu aux autocollants des audioguides traditionnels. Ils sont également accompagnés d’une bande tactile détectable sur le plancher avec la cane; les personnes aveugles ou ayant une basse vision peuvent donc déterminer où se trouvent les PAU. En outre, si vous utilisez l’application mobile dans les salles d’exposition, vous entendrez une version audio du contenu qui se trouve près de vous en sélectionnant le mode « Près de moi » et en activant l’option de conversion texte-parole sur votre appareil iOS ou Android. 

Quelle est la réaction des visiteurs qui utilisent ces systèmes? 

La réaction est extraordinaire. Ces systèmes permettent vraiment de faciliter l’utilisation; quelles que soient les capacités, tous profitent de la même autonomie et de la même richesse d’expérience. Pour les visiteurs nécessitant des accessoires fonctionnels ou ayant des problèmes de mobilité, pouvoir visiter le Musée de façon autonome représente un changement majeur par rapport aux expériences habituelles vécues aux musées. 

Que prévoit le Musée en matière d’accessibilité? Y a-t-il des projets en cours ou des plans pour l’avenir? 

L’inclusivité et la conception inclusive font désormais partie intégrante de nos activités. Un exemple de ce sur quoi nous travaillons pour les expositions actuelles et à venir, ce sont les photographies tactiles. Il y a trois ans, nous avons présenté une exposition de photos comprenant des versions tactiles de certaines des images pour que les personnes aveugles ou malvoyantes puissent les toucher. Les reliefs sculptés accompagnés de descriptions audio sont devenus des incontournables. Pour bon nombre de nos photographies, nous cherchons dorénavant des façons d’inclure des composantes tactiles, expérientielles et immersives.  

 

Royal Alberta Museum, Edmonton (Alberta) 

Le Royal Alberta Museum (RAM) ouvre la voie aux personnes ayant des besoins sensoriels avec des activités et ressources comme les Dimanches sensoriels et les trousses sensorielles. Oksana Gowin, la directrice du marketing et des communications au RAM, nous parle de l’accent mis par le Musée sur l’accessibilité.  

Quelles sont les mesures d’accessibilité propres au RAM? 

L’accessibilité est une priorité pour le nouveau RAM : nous voulons nous assurer que tous les visiteurs, quelles que soient leurs capacités, puissent accéder au Musée et le visiter. Les mesures prises concernent non seulement la conception de l’édifice et des expositions, mais aussi les activités comme les Dimanches sensoriels, les panneaux d’exposition multilingues (français, anglais et, dans certains cas, une ou plusieurs langues autochtones) et les ressources gratuites, comme les fauteuils roulants et les trousses sensorielles qui peuvent être empruntés le temps de la visite. 

Pouvez-vous expliquer en quoi consistent les trousses sensorielles? Comment les visiteurs peuvent-ils les utiliser? À quoi servent-elles? 

Conçues spécialement pour les visiteurs qui traitent les données sensorielles autrement, les trousses sensorielles comprennent un sac à dos avec un casque qui réduit les bruits, des verres fumés, des objets à manipuler et un minuteur. Ces trousses peuvent être empruntées gratuitement à la billetterie. 

Pouvez-vous me parler un peu des Dimanches sensoriels? 

Les Dimanches sensoriels permettent aux personnes ayant des besoins sensoriels et à leurs familles de visiter le Musée dans un contexte où des ajustements ont été apportés. On parle par exemple d’éclairage tamisé, de réduction du bruit et d’activités sensorielles, ainsi que l’accès à une salle sensorielle. 

Quelle est la prochaine étape visée par le Musée en matière d’accessibilité? Y a-t-il de nouveaux plans ou des développements en vue? 

Nous continuons de suivre la situation de l’accessibilité et de faire les changements qui s’imposent. Par exemple, nous venons de changer le tapis autour des salles d’exposition pour intégrer une bande de couleur contrastante au sol qui améliore la visibilité. Nous avons retiré les identificateurs de sexe des salles de toilette et avons ajouté un accès sans poignée à quatre de leurs portes. 

L’accessibilité n’est pas un état de choses figé; nous continuerons de suivre la situation, de recueillir des commentaires et de faire les changements qui sont en notre pouvoir.  

 

Musée des sciences et de la technologie du Canada, Ottawa (Canada)  

Le Musée des sciences et de la technologie du Canada (MSTC) a récemment obtenu l’Accessibilité certifiée or du programme de certification en matière d’accessibilité de la Fondation Rick Hansen. Muse a discuté avec Lisa Leblanc, directrice générale du MSTC, et Gabrielle Trépanier, agente d’évaluation et de vérification à Ingenium, de ce que cette reconnaissance implique et de ce que signifie l’accessibilité pour cette organisation.  

Quels sont les récents développements en matière d’accessibilité au MSTC? 

Gabrielle : Je faisais partie de l’équipe du renouvellement du Musée, et nous avions carte blanche pour repartir de zéro avec un regard neuf. Une des premières mesures que nous avons prises – et c’est vraiment important – a été d’égaliser tous les planchers. Nous avons tenu compte des incapacités physiques et souhaitions nous assurer que tous puissent se déplacer dans le Musée.  

Nous nous sommes demandé comment faire de nos expositions des expériences multisensorielles, pour que chacun puisse accéder au contenu de manière différente, en fonction de sa situation. Les visiteurs savent que venir au Musée sera une expérience confortable et que leur dignité sera respectée pendant toute la visite. 

Lisa : Si nous faisons de l’accessibilité notre philosophie, cela nous pousse à tout évaluer dans cette optique. 

Pouvez-vous m’en dire davantage sur le programme de la Fondation Rick Hansen? 

Gabrielle : Il s’agit d’un programme de certification des organisations grâce auquel des professionnels qualifiés évaluent l’accessibilité à des établissements et à des commerces. Une organisation peut être désignée comme accessible, mais on peut aussi atteindre un niveau plus élevé : la certification or. Nous avons été ravis de répondre aux critères de la certification or : nous sommes la première institution publique au Canada à l’obtenir.  

Il n’y a pas de situation parfaite en matière d’accessibilité, et il nous arrive encore de commettre des impairs, mais la Fondation Rick Hansen nous aide. Dans son évaluation, elle souligne nos bons coups, mais nous dit aussi ce que nous pouvons et devons améliorer. 

Lisa : Il est possible d’engager un professionnel de la Fondation pour évaluer ses installations; on vous montre concrètement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Même si notre institution est considérée comme accessible, on nous a fourni une feuille de route pour rehausser le niveau d’accessibilité à l’avenir. 

Quelle a été la réaction du public? 

Gabrielle : Nous avons pris un engagement en matière d’accessibilité, mais nous considérons aussi l’inclusion et la diversité dans une perspective plus large. Nos conservateurs veillent à ce que les personnes ayant une incapacité se reconnaissent au Musée. Nous avons eu le bonheur de voir un jeune en fauteuil roulant visiter le Musée avec sa famille; comme il pratique le hockey sur luge, il était sur un nuage en voyant la luge de hockey que nous avions exposée. 

Nous avons aussi obtenu des commentaires écrits réjouissants – de quoi faire oublier les réunions de travail les plus assommantes! Un de ces commentaires venait d’une mère qui avait tout juste commencé à utiliser un fauteuil roulant : elle nous remerciait d’avoir rendu la salle des enfants accessible, car elle peut s’y rendre pour jouer avec son enfant. 

Lisa : Quand il est question d’accessibilité aux musées, ce qu’on entend derrière c’est quel pourcentage de la population s’en servira vraiment. Pour nous, le principe est simple : un meilleur accès, ça profite à tous. Nous voulons donner un accès à tous les Canadiens, quelles que soient leurs capacités : voilà ce qui compte. ∎ 

Madeline Lines détient un diplôme en journalisme de Carleton University. Elle a contribué à Muse dans le cadre du programme de stages de l’université. M  

Ce rapport muséologique a été rendu possible grâce au financement du Gouvernement du Canada. Ce rapport a été également publié dans le magazine Muse, numéro septembre/octobre 2019.